ï»żAccueil âąAjouter une dĂ©finition âąDictionnaire âąCODYCROSS âąContact âąAnagramme conjonction et son double dans la glace â Solutions pour Mots flĂ©chĂ©s et mots croisĂ©s Recherche - Solution Recherche - DĂ©finition © 2018-2019 Politique des cookies.
Larose par sa couleur rouge est donc symbole du communisme ( et aussi du socialisme), le rĂ©sĂ©da est blanc, couleur de la monarchie, du catholicisme et donc de la droite. MĂ©taphore de la rĂ©colte : v.11 « quand les blĂ©s sont sous la grĂȘle, fou qui fait le dĂ©licat », valeur proverbiale. Cette mĂ©taphore sera reprise en fin de poĂšme.
Il y avait une grande diffĂ©rence entre les deux personnalitĂ©s de ma mĂšre. Il est arrivĂ©, lorsque jâĂ©tais enfant que jâeusse Ă son sujet des rĂȘves dâangoisse. Le jour, elle Ă©tait une mĂšre aimante, mais la nuit, elle me paraissait redoutable. Elle me semblait ĂȘtre comme une voyante, et en mĂȘme temps un Ă©trange animal, comme une prĂȘtresse dans lâantre dâun ours, archaĂŻque et scĂ©lĂ©rate. » [1] Aux origines de lâidĂ©e de complexe 1Ă partir de cette notation de la main mĂȘme de Jung dans ses mĂ©moires, on pourrait introduire le sujet du double par lâamplification du thĂšme des deux mĂšres, comme le fit Freud quand il Ă©laborait la psychogenĂšse dâun souvenir dâenfance de LĂ©onard de Vinci; texte qui, rappelons-le, emporta la totale adhĂ©sion de Jung quand il le reçu des mains de son auteur. Mais lâexplication psycho biographique serait un peu courte pour rendre compte de la richesse des ouvertures que la question du double propose Ă la pensĂ©e analytique jungienne. Nous serons pourtant bien obligĂ© dâen passer par quelques Ă©lĂ©ments dâhistoire des idĂ©es pour donner un cadre Ă lâarticulation que nous proposons entre complexe et double que nous dĂ©velopperons Ă travers les notions jungiennes de persona et dâombre. Nous Ă©voquerons Ă©galement la spĂ©cificitĂ© de lâaspect de mutualitĂ© qui habite la conception jungienne du transfert pour nous permettre dâouvrir cette rĂ©flexion sur une courte vignette clinique. 2Ă la recherche dâune spĂ©cialisation dans ses Ă©tudes mĂ©dicales, Jung jeune Ă©tudiant, tombe sur le manuel de psychiatrie de Krafft-Ebing dans lequel il lit que la maladie mentale est une maladie de la personne » face Ă laquelle le mĂ©decin sâengage avec la totalitĂ© de son ĂȘtre ». Cette rĂ©vĂ©lation, au sens propre du terme qui lui permet de connaĂźtre par une voie surnaturelle quelque chose dâinconnu, va donner une orientation tout Ă fait spĂ©cifique Ă ses premiers travaux scientifiques. 3Ă partir des observations et rĂ©flexions cliniques de sa thĂšse de mĂ©decine Psychologie et pathologie des phĂ©nomĂšnes dits occultes [2], il pose les bases de sa comprĂ©hension du fonctionnement psychique dans lequel sâaniment des instances quâil nommera complexes » et quâil dĂ©crira comme des Ă©lĂ©ments personnels autonomes appartenant au fonctionnement du moi mais nây Ă©tant pas encore intĂ©grĂ©s, ou tout au moins qui ne sont pas reconnus ni assumĂ©s par lui [3]. Jung construit alors les prĂ©mices dâune conception dâun inconscient organique, vivant et dynamique. Il va jusquâĂ suggĂ©rer que la manifestation du complexe peut ĂȘtre porteuse dâun avenir si on accepte de le dĂ©crypter de maniĂšre prospective, câest-Ă -dire en inscrivant le message dont il est porteur dans le besoin de croissance et de rĂ©alisation soutenue par lâĂ©nergie de ce quâil dĂ©crira dans la suite de ses recherches comme le soi [4] du sujet. 4On peut dans cette Ă©tude lire les expĂ©riences menĂ©es par Jung comme une sorte de dĂ©clinaison des rĂȘveries dâune jeune adolescente aux prises avec les aspects conflictuels dâun projet fĂ©minin inconscient. Jung fait [5] en effet lâhypothĂšse quâil ne sâagit pas dâautre chose que de nouvelles formations de caractĂšre ou des tentatives de percĂ©e de la personnalitĂ© future qui, par suite de difficultĂ©s particuliĂšres se trouvent liĂ©es Ă certains troubles de la conscience. » 5Son travail Ă lâhĂŽpital psychiatrique du Burghölzli, alors dirigĂ© par Eugen Bleuler, le met en contact quotidien avec des malades psychotiques et lui permet de conforter ses intuitions sur le rĂŽle Ă donner aux phĂ©nomĂšnes de dissociation Ă lâorigine de la formation des complexes, et cela non pas dans la seule acception pathologique classique, mais Ă©galement dans lâapproche dynamique des fonctionnements psychiques, câest-Ă -dire comme une forme de proposition de la rĂ©solution dâun conflit qui aura Ă ĂȘtre pris en compte par le moi. 6Pour la jeune psychiatrie de la fin du XIXe siĂšcle, si lâexistence de lâinconscient Ă©tait acquise, les expĂ©riences mĂ©diumniques, le somnambulisme, lâhypnose, sans parler de lâobservation des hystĂ©riques sont le champ dâexploration privilĂ©giĂ© au sein duquel la question de la discontinuitĂ© entre la conscience et lâinconscient est activement explorĂ©e et dont les manifestations sont dĂ©crites en termes de personnalitĂ©s multiples ». Un des exemples les plus marquants de ces travaux est fourni par ThĂ©odore Flournoy, qui a inspirĂ© quant Ă la mĂ©thode employĂ©e, la premiĂšre publication de Jung sur les dĂ©lires de Miss Miller dans MĂ©tamorphoses et symboles de lâinconscient [6], ouvrage qui scellera sa sĂ©paration dâavec Freud en 1912. 7Le chercheur reste alors, comme aujourdâhui, face Ă la question essentielle du lien unissant la personnalitĂ© consciente Ă lâinconsciente et de leurs rapports rĂ©ciproques. Pour mĂ©moire, rappelons que Pierre Janet dĂ©veloppe ses travaux Ă la SalpĂȘtriĂšre Ă propos de lâhystĂ©rie et que Jung y fait un stage dâĂ©tude au cours de lâhiver 1902. Lâabaissement du niveau mental, la faiblesse du moi sont des notions qui permettront Ă ce dernier de comprendre des affections dans lesquelles le manque, le manque de symbolisation ou encore la mise en reprĂ©sentation dans le corps, sont liĂ©s Ă une restriction du champ de conscience, ce qui Ă©videmment diffĂšre profondĂ©ment de la notion freudienne de refoulement. 8Lâapplication de ces intuitions trouvera pour Jung un premier champ dâexpĂ©rimentation clinique dans les expĂ©riences dâassociation [7] quâil mĂšne Ă lâhĂŽpital, Ă la fois comme recherche mais aussi comme conduite thĂ©rapeutique. On sait quâil a soumis ces tests Ă Sabina Spielrein [8] qui rĂ©agit, par exemple, au mot battre » en Ă©tant incapable de se le remĂ©morer. 9Mais ce qui intĂ©resse Jung au premier chef est de repĂ©rer les effets de compensation de lâabaissement du niveau mental qui laisse apparaĂźtre sur la scĂšne inconsciente du sujet les voies de dĂ©gagement dâune psychĂ© qui figure, personnifie et donne vie Ă ces contenus complexuels quâon a longtemps crus ĂȘtre de purs dĂ©lires quand ce nâĂ©tait pas lâexpression immorale dâune quelconque possession dĂ©moniaque, et donc coupable. 10Jung qualifie ces complexes par leur tonalitĂ© affective » signifiant par lĂ mĂȘme leur forte composante personnelle et prĂ©cisant en mĂȘme temps leur autonomie qui les rend parfois difficilement identifiables Ă la personnalitĂ© consciente, telle quâon croit la connaĂźtre. Ces complexes permettent donc de rendre compte de lâidĂ©e dâune psychĂ© qui nâest pas une unitĂ©, mais une multiplicitĂ© contradictoire de complexes qui interagissent entre eux Tout complexe autonome, et ne fut-il que relativement autonome, prĂ©sente la particularitĂ© de surgir sous forme dâune personnalitĂ©, câest-Ă -dire de surgir, sur lâĂ©cran du fond mental, personnifiĂ©. » [9] Cette figurabilitĂ© du complexe, dans ses aspects les plus personnifiĂ©s, nous met dâemblĂ©e en contact avec une acception jungienne tout Ă fait typique des multiples facettes de la vie psychique, dans lâentre deux du double, Ă la fois ce qui est moi et non-moi. La dissociabilitĂ© de la psychĂ© 11La notion de dissociabilitĂ© de la psychĂ© qui dĂ©coule de la thĂ©orie jungienne des complexes signifie que ces parts de la psychĂ© se dĂ©tachent elles-mĂȘmes de la conscience jusquâĂ un tel point que non seulement elles paraissent Ă©trangĂšres mais mĂšnent une vie autonome de leur cĂŽtĂ©. » [10] Jung, dans une attitude de clinicien moderne, va se mettre alors Ă Ă©couter les histoires que ses malades de lâhĂŽpital lui racontent; il accueille de maniĂšre trĂšs originale pour lâĂ©poque, la voix du complexe comme lâexpression dâun aspect de la vie psychique infigurable autrement que dans ces formes dissociĂ©es, Ă cause des trop faibles ressources symboliques dont dispose le moi fragile de ces patients. 12La position contre-transfĂ©rentielle qui est alors la sienne et quâil dĂ©veloppera dans ses travaux Ă propos de lâidentitĂ© inconsciente ou participation mystique, pourrait sâapprocher de ce que CĂ©sar et SĂĄra Botella [11] dĂ©crivent comme rĂ©gression formelle de la pensĂ©e de lâanalyste si lâanalyste nâa pas recours Ă des solutions dĂ©fensives investissement narcissique de lâanalysĂ© en tant que double, convictions toutes faites des thĂ©ories analytiques prĂȘtes-Ă -porter », mĂ©moire, rĂ©investissement de ses propres traces mnĂ©siques inconscientes aboutissant Ă un contre-transfert et donnant un sens dĂ©jĂ connu » Ă la relation, il se trouve confrontĂ© Ă la rĂ©gression formelle de sa pensĂ©e, Ă lâinconnu. [...] Au plus prĂšs de lâinconnu Ă©veillĂ© par lâanalysĂ©, des interprĂ©tations particuliĂšrement intuitives pourront ainsi surgir chez lâanalyste. Par voie rĂ©grĂ©diente directe, ces interprĂ©tations frayent lâaccĂšs Ă lâirreprĂ©sentable, autrement inaccessible, de lâanalysĂ©. » [12] 13Au-delĂ des expĂ©riences dâassociations, les recherches de Jung Ă propos du contenu des dĂ©lires de ses patients lâamĂšnent Ă identifier le fond culturel et religieux liĂ© aux grands mythes de lâhumanitĂ© et quâil reconnaĂźt dans les productions des schizophrĂšnes. LâĂ©mergence et le contenu de ces productions lui paraissent pouvoir remplir la mĂȘme fonction de sens et donc, de rĂ©solution des conflits, que lâusage culturel et religieux en fait dans toutes les civilisations et de tout temps. 14DĂ©jĂ , dans sa thĂšse de mĂ©decine, la question du rapport au mythe Ă©tait posĂ©e dans les dĂ©doublements de personnalitĂ© de la jeune fille, sujet de son Ă©tude clinique, mais exclusivement sous lâangle de la pathologie de la mythomanie. Ă partir de 1906, les Ă©changes Ă©pistolaires avec Freud le conduisent Ă poursuivre sa rĂ©flexion sur les productions de lâinconscient dans la voie dâune diffĂ©renciation de plus en plus prĂ©cise vis-Ă -vis de la suprĂ©matie du refoulĂ© sexuel freudien. Câest le rĂȘve, quâil fait Ă bord du paquebot qui les ramenait des Ătats-Unis [13] avec Freud et Ferenczi qui lui permet de prĂ©ciser son idĂ©e de lâinconscient collectif il y voyait une maison pourvue, au-dessous de sa cave ordinaire, dâune cave supplĂ©mentaire sous laquelle se trouvait encore un agrĂ©gat de poteries, dâossements et de crĂąnes prĂ©historiques. Freud lui interprĂ©ta quâil sâagissait de dĂ©sirs de mort Ă propos dâune personne de son entourage et Jung de son cĂŽtĂ© se mit Ă approfondir ses connaissances Ă propos des mythes et du symbolisme pour mettre en Ă©vidence leur accointance avec les contenus des dĂ©lires des patients psycho-tiques. On peut voir dans cette simple anecdote un Jung phĂ©nomĂ©nologue, empiriste, dâabord attentif Ă lâobservation de son propre inconscient. 15La notion jungienne de complexe introduit donc particuliĂšrement bien cette formation du double, dans une acception qui ne renvoie pas exclusivement au mĂȘme comme un certain niveau dâusage lexical peut nous le faire penser, mais avant tout Ă une dimension du monde interne intimement et Ă©motionnellement vĂ©cue comme partie de soi et en mĂȘme temps sĂ©parĂ©e, parce quâĂ©tant projetĂ©e sur lâautre, dans le monde externe; elle peut alors ĂȘtre perçue comme nĂ©gative, insupportable, et donc Ă©trangĂšre, ou encore comme fascinante et activant une forme de possession dans la psychĂ© inconsciente de celui qui en est habitĂ©. Cette notion de complexe introduit la dimension subtile de la reconnaissance de lâaltĂ©ritĂ© sur la scĂšne intĂ©rieure, rĂ©verbĂ©rĂ©e dans et par la relation Ă lâautre, et elle conduit Ă reconnaĂźtre la difficile, sinon impensable, altĂ©ritĂ© de lâautre. 16On sâĂ©tonne parfois des appellations Ă©tranges donnĂ©es par Jung Ă ses concepts anima, animus, ombre, persona, etc. En fait, Ă travers lâapproche complexuelle, on comprend quâelles rĂ©pondent Ă lâidĂ©e de personnification dâinstances vivantes par lesquelles la dialectique du moi et de lâinconscient Ă©tablit un dialogue actif et crĂ©atif. En les nommant complexes autonomes, Jung indique aussi le statut quâil leur attribue dotĂ©s dâune Ă©nergie spĂ©cifique, les complexes vivent leur vie faite de rencontres, de recompositions, de dĂ©compositions dans les mouvements profonds de la vie psychique inconsciente confrontĂ©e aux aventures du monde externe. Par sa puissance, la vitalitĂ© de la vie complexuelle dans la psychĂ© de lâindividu Ă©voque les entitĂ©s spirituelles, Ăąmes errantes, esprits malins ou bĂ©nĂ©fiques, quand il ne sâagit pas dâanimaux fantastiques ou de phĂ©nomĂšnes naturels incontrĂŽlables, qui, de tout temps ont habitĂ© la croyance humaine. 17 Non seulement les processus psychiques tĂ©moignent souvent dâune remarquable indĂ©pendance par rapport aux faits vĂ©cus par la conscience, mais on peut aussi discerner un net relĂąchement ou une sĂ©paration dans les processus conscients, [...] il existe des cas oĂč ce nâest pas Ă proprement parler la personnalitĂ© tout entiĂšre qui est scindĂ©e en deux, mais oĂč seules de petites parties sâisolent. Il sâagit mĂȘme de trĂšs antiques expĂ©riences de lâhumanitĂ©, que reflĂšte lâhypothĂšse universellement rĂ©pandue dâune pluralitĂ© dâĂąmes en un seul et mĂȘme individu. » [14] 18 On le sait, ajoute Jung, lâexpĂ©rience psychiatrique montre quâil suffit de bien peu de choses pour faire Ă©clater le semblant dâunitĂ© de la conscience pour la dĂ©sagrĂ©ger en ses Ă©lĂ©ments premiers. » [15] On pense aux notions de cryptes et de fantĂŽmes dĂ©crites par Nicolas Abraham et Maria Torok. Lâimportance donnĂ©e Ă la phĂ©nomĂ©nologie, qui permet Ă Jung de ne pas douter de la rĂ©alitĂ© des phĂ©nomĂšnes psychiques issus de la dissociabilitĂ© de la psychĂ©, lâautorise Ă relier ces phĂ©nomĂšnes Ă lâexpression dâune autre rĂ©alitĂ©, mythologique, prĂ©historique ou historique, celle-lĂ Ces figures psychiques dotĂ©es dâune Ă©nergie considĂ©rable, souvent destructrice, symbolisent une libido surhumaine, aux multiples visages par laquelle sâactualisent, dans lâĂ©tat profondĂ©ment rĂ©gressĂ© de ces patients, des problĂ©matiques plus primitives » quâinfantiles, plus impersonnelles que propres au sujet et Ă son histoire. » [16] 19Jung donne un statut psychologique Ă part entiĂšre Ă ces instances psychiques primitives agissant dans lâinconscient de lâhomme; il en fait des figures de lâautre », selon lâheureuse expression dâĂlie G. Humbert [17], qui ne peuvent se rĂ©duire Ă des manifestations du dĂ©jĂ connu â fut-il mythologique ou culturel â, mais inscrivent leur figuration dans lâhistoire et lâexpĂ©rience singuliĂšre du sujet, et le complexe dâĆdipe en serait une parmi dâautres. Contrairement Ă ce quâune lecture superficielle de Jung a pu laisser penser Ă certains, son interrogation sur le sens de la vie nâĂ©vince pas la question de la singularitĂ© et de lâunicitĂ© du rapport Ă lâautre. Ce rapport sâinscrit dâabord dans la psychĂ© collective, dans les figurations archĂ©typiques â lâhumain ne se fait que dans la relation Ă lâautre â, dont le moi aura Ă se diffĂ©rencier en se mettant au contact avec les aspects conscients et inconscients les plus personnels de son appartenance individuelle. 20Ces catĂ©gories de la rencontre que propose lâexpĂ©rience de lâinconscient archĂ©typique correspondent aux formes que prennent les dynamismes inconscients pour intervenir dans la vie physique et psychique, câest pourquoi leurs relations au conscient ne peuvent ĂȘtre dessinĂ©es Ă lâavance; elles ne sont en rien mĂ©caniques. Ces catĂ©gories proposĂ©es par Jung sont comme la figure de lâautre, des mĂ©diatrices de la relation. » [18] Leur fonction mĂ©diatrice les place Ă la charniĂšre du moi et du non-moi, caractĂ©ristique de la figure du double. Elles sont Ă la base de la constitution de lâidentitĂ© du sujet [19], en mĂȘme temps quâelles autorisent, comme en tout premier lieu dans la relation primaire entre la mĂšre et le bĂ©bĂ©, la diffĂ©renciation des composantes du mĂȘme lâĂ©loignement de celle qui est vĂ©cue comme mĂȘme, la mĂšre et la reconnaissance de lâaltĂ©ritĂ© de lâautre, grĂące Ă lâĂ©laboration symbolique de lâabsence. 21Ces instances psychiques dotĂ©es dâune puissante Ă©nergie archaĂŻque sâactivent dans des manifestations dâordre complexuel, donc personnel, ce qui permet au moi de prendre en compte les dĂ©sordres quâelles provoquent, les besoins quâelles expriment et de remonter ainsi jusquâaux conflits inconscients dont elles exigent la rĂ©solution, ce quâau mieux, on voit apparaĂźtre dans le travail dâanalyse. La persona, lâanima, lâanimus, lâombre en sont les figures les plus communes. Elles se retrouvent sous des formes diffĂ©rentes, mais dans la mĂȘme ligne thĂ©matique dans lâimaginaire de lâhomme comme dans la culture et la mythologie des peuples. Leur Ă©laboration au cours du travail dâanalyse relie le sujet Ă son histoire personnelle et Ă ses avatars, tout en lui permettant de reconstituer les repĂšres qui donnent sens Ă son existence au sein de la collectivitĂ© humaine. 22Parmi ces archĂ©types, la persona et lâombre sont sans doute les deux modalitĂ©s psychiques dĂ©crites par Jung qui nous rapprochent le plus du thĂšme du double en nous permettant de lâexplorer de maniĂšre originale. Bien quâil ne lui ait plus apportĂ© de modification aprĂšs 1928, le concept de persona est intĂ©ressant Ă plus dâun titre, puisquâil rend compte, en lâabsence dâune mĂ©tapsychologie systĂ©matisĂ©e chez Jung, dâune modalitĂ© dâidentification et de constitution du moi, Ă la charniĂšre entre le monde interne et celui des investissements dâobjet, et des reprĂ©sentations collectives. La persona 23Persona est le nom latin du masque que lâacteur porte sur scĂšne pour cacher son visage, se dĂ©singulariser en quelque sorte, afin dâamplifier la puissance dâĂ©vocation universelle de sa parole. Comme toujours, les acceptions que Jung propose Ă la notion de persona tout au long de son Ćuvre sont multiples et ouvrent sur des champs variĂ©s de lâexpĂ©rience mais toutes ont Ă voir avec lâidĂ©e dâune identification aux valeurs ou aux figures qui appartiennent au monde collectif. Aujourdâhui, dans la foulĂ©e du dĂ©veloppement des travaux sur lâattachement, on pourrait dire que la persona prend son origine dans le processus dâidentification propre Ă la naissance et Ă la constitution de lâidentitĂ© du sujet. La persona assure ensuite le sentiment de continuitĂ© narcissique dans la relation Ă lâautre et au monde. Dans ses expressions pathologiques, lâidentification Ă la persona serait une forme de quĂȘte narcissique interminable, pouvant aller jusquâaux limites de lâexpĂ©rience de dĂ©personnalisation... 24Jung reconnaĂźt Ă la persona la fonction psychique dâinterface, intermĂ©diaire pour le moi du sujet entre son monde interne et le monde externe elle serait la fonction qui permettrait aux moi de se prĂ©senter aux objets externes et dâentrer en relation avec eux, tout en tenant compte des objets internes. » [20] Dans cette acception, on pourrait y voir lâentre-deux de la double composante narcissique et objectale, naturelle dans les processus dâidentification primaire. On verra, dans la vignette clinique prĂ©sentĂ©e plus loin, une illustration de cet aspect. Mais Jung insiste aussi sur la dimension dâillusion, de mise en scĂšne que la persona secrĂšte de maniĂšre souvent dĂ©fensive en provoquant des effets dâadhĂ©sivitĂ© aux valeurs et aux idĂ©aux; elle est alors une formation de compromis entre lâindividu et la sociĂ©tĂ© ». 25Lâanalyste winnicottien Jan Abram, dans Le langage de Winnicott, souligne la proximitĂ© qui existe entre les notions de faux self et de persona. Il Ă©crit Cela me rappelle, dans la thĂ©orie de Jung, la persona quâil dĂ©finit comme Ă©tant un self qui se prĂ©sente en sociĂ©tĂ© sous un aspect poli et socialisĂ©. Cela ressemble au self sain de la thĂ©orie de Winnicott, qui constitue un intermĂ©diaire entre le self privĂ© et le monde extĂ©rieur au sens large. Une trop grande identification avec sa persona cependant est considĂ©rĂ©e par Jung comme relevant dâune organisation pathologique â tout comme le faux self prĂ©sentĂ© dans lâĂ©chelle dâĂ©valuation par Winnicott. » [21] 26Dans la notion de persona telle quâelle est dĂ©crite par Jung dans son aspect pathologique, ce qui est intĂ©ressant est bien quâil la conçoive comme lâidentification du moi Ă une image de lui-mĂȘme, mais doublĂ© des qualitĂ©s puisĂ©es dans lâimaginaire collectif qui lui seraient nĂ©cessaires pour exister, survivre, en lâabsence dâun sentiment de valeur suffisant. Pour illustrer cette idĂ©e, prenons lâexemple dâun Ă©vĂ©nement rĂ©cent qui a fait les titres des journaux. Une jeune femme se glisse dans les habits dâune victime de lâantisĂ©mitisme et met en scĂšne sa propre attaque par des adolescents maghrĂ©bins et noirs. Tout se passe comme si son moi en quĂȘte de valeur Ă©tait informĂ© de la rĂ©ponse exacte que cet acte va automatiquement provoquer dans le collectif. La rĂ©ponse est donnĂ©e en termes de reconnaissance et dâempathie, qui sont en fait les sentiments dont, par la suite, la jeune femme avouera manquer personnellement de la part de son compagnon et plus gĂ©nĂ©ralement dans son histoire familiale. On pourrait dire quâelle crĂ©e de toutes piĂšces le personnage provoquant une forte identification de la part des autres, capital dâidentification nĂ©cessaire aux besoins profonds de son moi. 27Juliette Vieljeux montre clairement le fonctionnement en double qui existe entre le moi et la persona. Elle Ă©crit Dans lâidentification du moi Ă la persona, il nây a plus de distance symbolique entre la reprĂ©sentation et la chose. La persona tient lieu de reprĂ©sentation une de ses faces est faite de lâadaptation au monde externe, lâautre face est plaquĂ©e au moi. » [22] Dans lâexemple considĂ©rĂ©, on pourrait dire que les antennes de lâinconscient de la jeune femme, branchĂ©es sur lâair du temps du collectif, lui dictent le thĂšme de sa mise en scĂšne, tandis que son moi fragile ne peut pas prendre la juste distance, câest-Ă -dire un point de vue Ă©thique, par rapport au fantasme qui surgit en elle. Sa mise en acte est immĂ©diate, avec les rĂ©actions en cascade de la presse et du monde politique, pris Ă leur tour dans les mĂȘmes effets de persona, câest-Ă -dire, eux aussi dans le besoin de promouvoir une image collective de valeur, sous forme de rapiditĂ© Ă rĂ©agir et dâefficacitĂ© dans la condamnation publique â qui viennent se substituer Ă la rĂ©alitĂ© dâun acte salvateur. Le fantasme sous-jacent est bien celui dâespĂ©rer rĂ©colter, comme la jeune femme, reconnaissance et adhĂ©sion, non plus dans lâimage de la victime, mais dans celle de la gĂ©nĂ©reuse compassion. 28 Ici, au contraire, il sâagit dâune mise en scĂšne qui, bien au-delĂ dâune vĂ©ritĂ© psychologique de souffrance, est parvenue Ă habiter une nĂ©vrose collective » Ă travers lâinquiĂ©tante familiaritĂ© dâun scĂ©nario oĂč les dĂ©sirs et les pulsions dâune sociĂ©tĂ© ont pu se dĂ©livrer une fois de plus. » [23] 29Lâeffet miroir est provoquĂ© par le fait de prendre la reprĂ©sentation du sujet pour le sujet lui-mĂȘme. » [24] On pourrait alors dĂ©crire la persona pathologique comme un double du moi, Ă©phĂ©mĂšre refuge narcissique » investi dâune image idĂ©ale qui viendrait masquer les arriĂšres-plans de fragilitĂ© identitaire et les aspects dâombre personnelle qui lâenvahissent. Comment cette jeune femme croyait-elle â aujourdâhui â mieux faire entendre sa blessure dâidentitĂ© que par ce scĂ©nario macabre ? 30Dans la clinique, souvent les patients apportent dâemblĂ©e lâexpression dâune souffrance quâils repĂšrent dans lâĂ©cart qui sâinstalle entre celui ou celle quâils donnent Ă voir aux autres et celui quâils se sentent ĂȘtre rĂ©ellement, au plus intime dâeux-mĂȘmes. Les dĂ©buts de lâanalyse sâamorcent alors par un travail sur la dissolution de la persona dont les effets sont saisissants pour le patient son moi, dĂ©shabillĂ© du leurre de son double idĂ©al se dĂ©fait de ses attitudes de sur-adaptation Ă lâenvironnement extĂ©rieur. On peut alors parfois voir la charge de lâidĂ©al se dĂ©placer et se rĂ©investir dans lâanalyse elle-mĂȘme, dans la relation de transfert qui anime un mouvement de rĂ©gression teintĂ©e dâinfantilisme qui permet, dans un premier temps, de supporter de passer ce premier cap de transformation et qui rapproche de la construction dâun vrai moi-peau. 31Câest dans les termes de la diffĂ©renciation que le travail dâanalyse jungienne se dĂ©crit le plus explicitement. Lâexemple de la persona montre bien combien le moi a besoin de se diffĂ©rencier de la psychĂ© collective pour que la place quâil doit nĂ©cessairement prendre dans la vie sociale et relationnelle lui appartienne en propre et ne fonctionne dorĂ©navant plus comme une sorte de moi parasite, clivĂ©e de ses fondements et de ses limites. 32Le travail sur le retrait des projections de la persona dans le monde externe ouvre au patient un nouvel espace de projection Ă lâintĂ©rieur mĂȘme du cadre analytique, et la conception jungienne du transfert y explicite un Ă©clairage particulier de la question du double. En effet, pour Jung, les projections de transfert sâactivent dans la rĂ©ciprocitĂ© des Ă©changes conscients et inconscients entre lâanalyste et lâanalysant â chacun pour ainsi dire Ă©tant Ă la fois miroir et glace sans tain. Miroir, car lâautre nâest vu quâĂ travers le filtre dâune image inconsciente de soi-mĂȘme » [25], et glace sans tain, car la rencontre avec la radicale altĂ©ritĂ© de son analyste imposera au patient de faire le sacrifice dâune image idĂ©ale de lui-mĂȘme. Câest en entrant plus avant dans le travail sur la dimension nĂ©gative refoulĂ©e du moi, quâil aura Ă se confronter Ă son ombre. Mais pour lâanalyste Ă©galement, lâĂ©laboration sans cesse renouvelĂ©e des manifestations complexuelles provoquĂ©es par la relation au patient impose quâil poursuive son propre travail dâanalyse et accepte de reconnaĂźtre les transformations que celles-ci provoquent en lui. 33Jung a en effet dĂ©crit Ă lâaide de lâimagerie et des mĂ©taphores des alchimistes la relation de transfert dans la double composante, celle de la combinaison de deux corps chimiques qui transforme intimement les deux protagonistes de la relation. Câest pourquoi, le plus souvent, le vocabulaire jungien ne donne pas un poids spĂ©cifique Ă la diffĂ©rence entre transfert et contre-transfert, mais les Ă©labore ensemble dans la relation transfĂ©rentielle, indiquant par lĂ mĂȘme que lâanalyste est lui-mĂȘme pris dans un rĂ©seau de projections et de reprĂ©sentations inconscientes suscitĂ©es par son analysant câest la commune inconscience dont la richesse symbolique pourra ĂȘtre exploitĂ©e par lâanalyste, Ă condition quâil lâentende dans ses formulations silencieuses, sans images, et au plus prĂšs de ses sensations. Câest dâelle quâil pourra tenir des indications sur les composantes peu ou non reprĂ©sentables de la relation, en particulier sur sa dimension incestueuse, au sens large et symbolique du transfert Ă©rotique, qui Ćuvre au dĂ©nouage du transfert idĂ©alisant du patient. Dans ce travail en double, diraient encore les Botella, lâanalyste avance avec le patient dans lâexploration sans fin de la vie de lâinconscient partagĂ©e entre patient et analyste. Lâombre 34Plus encore que la persona, lâombre dans lâacception jungienne, Ă©voque le jeu de conjonction qui anime lâidĂ©e mĂȘme de double, encore une fois, non pas du cĂŽtĂ© du spĂ©culaire, mais bien de lâautre cĂŽtĂ© du miroir, sur le versant oĂč les aspects refoulĂ©s du moi ne sont ni reconnus ni intĂ©grĂ©s, ou encore sur le versant oĂč ils exercent une puissante fascination et peuvent donner lieu Ă des effets de possession. Lâorigine de lâombre sâexplique pour Jung comme corollaire de lâaccĂšs Ă la vie symbolique; lâombre serait alors le pendant et la consĂ©quence du travail dâĂ©laboration opĂ©rĂ© par le moi conscient, elle naĂźtrait dans sa lumiĂšre. Elle est marquĂ©e par le poids des interdits venant du collectif et par le poids du refoulĂ© issu de la vie pulsionnelle personnelle, mais plus gĂ©nĂ©ralement, elle apparaĂźt dans le rapport du sujet, qui se doit dâaffirmer sa cohĂ©sion et son choix, avec lâambiguĂŻtĂ© gĂ©nĂ©rale. » [26] Jung a dâabord vu dans lâombre la queue de saurien de lâhomme civilisĂ©. Mais par la suite, il dĂ©veloppe lâidĂ©e que lâombre est beaucoup plus que la rĂ©pression de la vie instinctive. 35La rĂ©sistance au changement, la peur de lâinconnu nous font penser que la conscience se dĂ©veloppe Ă©galement en opposition aux formes quâelle ne parvient pas Ă intĂ©grer parce quâelle les apprĂ©hende comme des valeurs qui la dĂ©passent lâombre vient alors interroger les valeurs qui circonscrivent le moi au sein du projet dâindividuation Le moi existe dans son jugement personnel de valeur. Ce jugement est de lâordre du sentiment et il est personnel parce quâil ne se rĂ©fĂšre Ă aucun code axiologique. Or câest prĂ©cisĂ©ment ce sentiment de valeur qui est atteint, corrodĂ©, Ă©prouvĂ© par la nĂ©cessitĂ© de prendre en compte ce quâon avait rejetĂ© et, plus encore, par lâexpĂ©rience des lois naturelles de la rĂ©versibilitĂ© et par la dĂ©couverte du caractĂšre relatif de la personnalitĂ©. » [27] Mais il faut aussi considĂ©rer que certains effets de lâombre, quâon repĂšre dans lâanalyse, nâont pas cette coloration nĂ©gative mais au contraire se manifestent sous forme dâinflation, de grandiositĂ© ou de fascination alors que leur lien avec lâombre est en relation directe avec la difficultĂ© du sujet Ă reconnaĂźtre et Ă assumer les limites de son moi. 36On le voit plus clairement maintenant, lâidĂ©e dâombre chez Jung nâest pas Ă entendre seulement dans une complĂ©mentaritĂ©, ni mĂȘme dans un couple dâopposĂ©s, fussent-ils dynamiquement reliĂ©s, mais elle appartient bien Ă la personnalitĂ©, elle est la personnalitĂ© non dĂ©veloppĂ©e, parfois rejetĂ©e par le moi et projetĂ©e Ă lâextĂ©rieur, lâombre câest alors lâĂ©tranger inquiĂ©tant en soi, cet autre-en-nous. Elle peut aussi prendre les habits dâun Ă©tranger merveilleux, fascinant, les limites de notre identitĂ© se dĂ©centrant vers des valeurs et des sentiments imaginaires. 37Lâombre apparaĂźt alors comme un organisateur qui donne vie Ă des dimensions quâaussi bien lâinconscient collectif que lâinconscient personnel refoulent dans une sociĂ©tĂ© qui promeut toujours plus les valeurs de libertĂ©, de dĂ©sir et dâidĂ©al, dans un rapport indiffĂ©renciĂ© Ă des imagos parentales teintĂ©es de grandiositĂ©, les images dâombre nous rappellent cette autre moitiĂ© de notre ciel, faite de vulnĂ©rabilitĂ©, de fragilitĂ© et de rĂ©serve, toutes choses qui nâont pas cours dans notre monde externe, mais qui, pourtant nous constituent intimement et participent de notre entiĂšretĂ©. Lâombre met en cause les achĂšvements conscients et en relativise la valeur [28] » Ă©crit encore Ălie Humbert; elle nâest pas une castration, au sens oĂč les contours et les limites du moi quâelle dessine sont bien rĂ©els. 38Pour tenter de donner une prĂ©sence clinique Ă lâusage de ces notions dans la pratique jungienne, jâai choisi de dĂ©crire une courte aventure transfĂ©rentielle avec un enfant et sa mĂšre. Si ces quelques sĂ©ances se sont passĂ©es voilĂ de nombreuses annĂ©es, elles ont laissĂ© en moi un souvenir trĂšs vif qui a certainement orientĂ© ma recherche sur la question du double. RaphaĂ«l, un enfant sans persona aux prises avec l'ombre maternelle 39RaphaĂ«l a 8 ans quand sa mĂšre demande Ă me consulter. Contrairement Ă ce qui se passe gĂ©nĂ©ralement, elle a prĂ©fĂ©rĂ© venir seule avant que je ne les reçoive ensemble. 40Avec beaucoup dâĂ©motion, elle Ă©voque pour moi leur accordage ratĂ© » au moment de sa naissance. Il est le premier enfant de sa gĂ©nĂ©ration, aussi bien du cĂŽtĂ© de la mĂšre que du cĂŽtĂ© du pĂšre; les deux familles se sont emparĂ©es de cette naissance, sans que la mĂšre ait pu rĂ©sister pour faire elle-mĂȘme connaissance avec son enfant. ImmĂ©diatement aprĂšs sa naissance, elle a Ă©tĂ© envahie par lâimpression de ne pas ĂȘtre Ă la hauteur, surprise dâautant plus grande et insupportable quâelle Ă©tait une professionnelle de la premiĂšre enfance. Elle pensait ne rien comprendre Ă cet enfant qui a eu trĂšs tĂŽt 4 semaines une allergie au lait, une bronchiolite et des problĂšmes de peau. 41On pourrait dire que le moi de la mĂšre, identifiĂ©e Ă sa persona de soignante, nâa pas pu ĂȘtre sollicitĂ© par les Ă©motions et les reprĂ©sentations internes et dâordre inconscient que la maternitĂ© dĂ©clenche. De plus, la survalorisation du collectif familial lâa contaminĂ©e, lui rendant inaccessible sa tĂąche modeste et intime de mĂšre suffisamment bonne. DâemblĂ©e lâenfant a manifestĂ© une grande souffrance psychique Ă laquelle la mĂšre nâa pas su comment rĂ©pondre; ce qui lui confirmait en miroir la rĂ©alitĂ© de son incompĂ©tence. Les premiers mois ont Ă©tĂ© extrĂȘmement difficiles, Ă tel point quâelle a prĂ©fĂ©rĂ© le donner en nourrice de jour plutĂŽt que de prolonger un possible congĂ© de maternitĂ© dont elle avait rĂȘvĂ©. 42Les mois passants et la mĂšre rassurĂ©e par la bonne adaptation de lâenfant chez la nourrice, leur relation sâamĂ©liore, mais sur un mode extrĂȘmement fusionnel elle se souvient quâelle lui cĂ©dait sur tous ses dĂ©sirs Jâavais besoin quâil mâaccepte... ». Ă lâĂąge de deux ans, pĂ©riode de la crise dâopposition dans lâĂ©mergence de la pulsionnalitĂ© Ćdipienne, RaphaĂ«l commence Ă avoir de trĂšs fortes colĂšres la mĂšre avait alors compris quâelle ne pouvait plus lui cĂ©der toujours et elle commençait Ă mettre des limites. Cependant, les colĂšres de lâenfant la perturbaient profondĂ©ment, Ă tel point quâelle se mettait en colĂšre Ă son tour et elle se souvient de sâĂȘtre souvent trouvĂ©e dans le mĂȘme Ă©tat que lui, pour sa plus grande honte. Ă quatre ans, RaphaĂ«l a un petit frĂšre qui conforte la mĂšre et la rassure dans son rĂŽle et sa fonction maternelle, alors que pour RaphaĂ«l les problĂšmes ne font quâempirer et durent jusquâĂ ce jour tics, difficultĂ©s dâendormissement, Ă©nurĂ©sie, mais surtout, ce qui reste aujourdâhui le symptĂŽme majeur, les Ă©normes colĂšres. 43Le tableau est finement dĂ©crit par la mĂšre qui, Ă partir de lâanalyse quâelle a entreprise, voudrait soutenir et aider son enfant envers qui elle Ă©prouve une grande culpabilitĂ©, parfois encore haineuse, en mĂȘme temps quâune grande tendresse. 44La rencontre avec RaphaĂ«l seul est impressionnante il dresse un inventaire extrĂȘmement prĂ©cis et dĂ©taillĂ© de tous ses maux. Les tics concernent une petite chanson, toujours la mĂȘme, quâil ne peut sâempĂȘcher de rĂ©pĂ©ter Ă lâinfini dont les paroles Ă©voquent un petit bonhomme et qui, Ă la fin, se clĂŽt sur un raclement de gorge. Cela horripile sa mĂšre, mais il a remarquĂ© quâil a recours Ă ce rituel dans de nombreuses situations, hors de sa prĂ©sence. RaphaĂ«l nâa aucune difficultĂ© scolaire, mais son comportement bagarreur, si ce nâest violent dans la cour de rĂ©crĂ©ation, a plusieurs fois provoquĂ© les plaintes des parents des enfants. RaphaĂ«l rapporte ses difficultĂ©s sur le mode de lâaveu. Il est le seul coupable et, Ă lâentendre, jamais il ne sâexonĂšre sur quelquâun dâautre de ses problĂšmes. Comme sâil ne pouvait pas projeter le nĂ©gatif hors de lui et quâil avait Ă lâendosser totalement. 45LâĂ©change avec lui est cependant facile, RaphaĂ«l parle volontiers et il sâinvestit dâemblĂ©e dans les projections sur moi dâun transfert Ă coloration magique, omnipotent, auquel il veut donner toutes ses chances pour ĂȘtre guĂ©ri », selon sa propre expression. De mon cĂŽtĂ©, je sens mon empathie sollicitĂ©e par la souffrance de cet enfant. Je lui propose de dessiner sa famille et je peux constater une organisation de la diffĂ©rence des sexes et des gĂ©nĂ©rations suffisamment claire pour un enfant de cet Ăąge. Le non-usage de la couleur dans le dessin donne cependant une idĂ©e dâun retrait de la vie pulsionnelle, de la rĂ©tention de la vitalitĂ© et de la crĂ©ativitĂ© comme de lâagressivitĂ© mĂȘme si le dessin est structurĂ©, son atmosphĂšre reste triste. 46Je lui propose ensuite de dessiner une scĂšne selon son dĂ©sir et sa fantaisie. Il sâapplique Ă reprĂ©senter un retour Ă Paris, quand on quitte la maison de campagne ». La premiĂšre partie de lâexĂ©cution du dessin consiste Ă partager une feuille orientĂ©e horizontalement en deux dans le sens transversal et de ne dessiner que dans sa partie supĂ©rieure. LĂ encore, RaphaĂ«l ne fait pas usage de couleurs. La moitiĂ© infĂ©rieure de la page, celle que les enfants de son Ăąge utilisent gĂ©nĂ©ralement comme plancher, sol, terre, herbe etc. pour donner une limite vers le bas, sur le dessin de RaphaĂ«l reste absolument vide, il nây a rien, quâun blanc qui Ă©veille en moi une certaine angoisse... 47RaphaĂ«l est absorbĂ©, concentrĂ©. Il me tend fiĂšrement son dessin et mâexplique que câest un moment quâil nâaime pas, quand il faut quitter la campagne pour rentrer Ă Paris oĂč il nây a pas dâespace pour jouer dehors, ni de libertĂ© car il faut aller Ă lâĂ©cole. Il reprĂ©sente une maison, un arbre, une voiture conduite par son pĂšre qui, de profil, cache sa mĂšre. Son frĂšre et lui sont Ă lâarriĂšre, on les distingue tous les deux. 48Je suis sollicitĂ©e par le thĂšme de la sĂ©paration qui habite le dessin et par le blanc, ce vide de reprĂ©sentation auquel elle semble a priori renvoyer. La position transfĂ©rentielle induite par le dessin nâest plus dans lâaveu, mais dans lâexpression dâun affect douloureux. Je propose Ă RaphaĂ«l lâidĂ©e que les sĂ©parations doivent ĂȘtre bien douloureuses parce que son dessin nous montre quâelles ouvrent sur du vide... Il reste un instant rĂȘveur, puis reprend son dessin, le retourne et dessine lâexact symĂ©trique du premier dessin... en miroir. Je suis assez dĂ©concertĂ©e par la rapiditĂ© et lâefficacitĂ© de sa rĂ©action visant Ă combler le vide de la sĂ©paration... Il mâexplique fort intelligemment, que devant la maison, il y a un lac, et la scĂšne se reflĂšte dans lâeau ». Je ne regrette pas mon intervention peut-ĂȘtre trop rapide, car elle mâa montrĂ© sa mobilitĂ© dĂ©fensive et le travail du dĂ©ni par le retour dans lâindiffĂ©renciĂ© du mĂȘme. 49Dans la poursuite des entretiens prĂ©liminaires, en vue de ce que jâenvisageais dĂ©jĂ comme une probable demande de psychothĂ©rapie pour RaphaĂ«l, quelle ne fut pas ma surprise de dĂ©couvrir que le pĂšre nâavait pas Ă©tĂ© informĂ© de la dĂ©marche entreprise par la mĂšre, quâil Ă©tait tout Ă fait opposĂ© Ă ce que son fils soit confiĂ© Ă une personne extĂ©rieure Ă la famille, et quâil allait sâen occuper lui-mĂȘme, en faisant le projet de travailler un peu moins... Les entretiens ont donc pris fin sur ce refus paternel sur lequel il nâa pas Ă©tĂ© possible de revenir. 50Que dire de cette sĂ©quence et en quoi illustre-t-elle la question du double telle que jâai essayĂ© de la dĂ©velopper ? 51Du point de vue de son dĂ©veloppement psychique, RaphaĂ«l apparaĂźt comme un grand blessĂ© narcissique la matrice relationnelle prĂ©coce nâa pas Ă©tĂ© suffisamment nourrissante et Ă©tayante pour permettre au moi de se constituer des limites diffĂ©renciĂ©es, une identitĂ© autonome et solide dans sa confrontation aux remises en question que sont les Ă©preuves de diffĂ©renciation de son altĂ©ritĂ© dans les conflits avec les autres et sa mĂšre en particulier. Entre sa mĂšre et lui, on dirait que la folie Ă deux de la relation primaire, qui avait pour fonction dâassurer les conditions symboliques dâun inceste Ă©rotique structurant, est encore prĂ©sente dans un processus de rĂ©pĂ©tition sans fin la dualitĂ© en boucle nâouvre sur aucune dimension dâinconnu, comme dans lâimage du serpent qui se mord la queue, tout se rĂ©pĂšte Ă lâidentique. LâĂ©nergie en jeu est Ă©norme, dâune violence inouĂŻe, et pourtant elle sâabsorbe et sâannule. On pourrait dire que tout se passe entre eux comme si lâinceste des origines se reprĂ©sentait, toujours revĂ©cu dans cet Ă©quivalent de scĂšne de mĂ©nage » pour quâenfin une issue inattendue surgisse. Lâissue serait la sortie du miroir mortifĂšre câest-Ă -dire la diffĂ©renciation entre lâinconscient maternel et celui de lâenfant pour la mĂšre, ce serait que son enfant devienne un autre, un Ă©tranger familier, qui pourrait vivre et intĂ©grer cette part dâĂ©trangetĂ© en lui-mĂȘme, non comme une sĂ©paration qui dĂ©bouche sur le vide, mais comme une part dâinconnu qui lui ouvre lâaccĂšs Ă sa position de sujet. La rĂ©action de RaphaĂ«l Ă la sĂ©paration indique que sa position de sujet nâest pas Ă©tablie la sĂ©paration entre soi et lâautre nâenclenche pas la crĂ©ativitĂ© du symbolique, mais elle appelle la froideur glacĂ©e du symĂ©trique. 52Le moi de lâenfant nâa pas trouvĂ© le recours dâune organisation dĂ©fensive de type persona. On rencontre parfois en effet, dans nos cabinets ces enfants metteurs en scĂšne de rĂ©assurance, ces enfants trop sages qui soignent leur mĂšre en sâadaptant admirablement Ă sa pathologie, comme dans le complexe de la mĂšre morte dâAndrĂ© Green. 53Ici, le moi de lâenfant est si peu diffĂ©renciĂ© quâil nâa, en fait, pas pu mettre en place de dĂ©fenses efficaces RaphaĂ«l ne trouve pas sa place dans la communautĂ© de ses pairs ni avec ses parents. Dans ces conditions, le recours Ă lâarchaĂŻcitĂ© nous amĂšne Ă parler plus volontiers de dĂ©fenses du soi; elles sont peu adaptĂ©es Ă la rĂ©alitĂ© externe et leurs importants effets de dĂ©personnalisation touchent au registre psychotique. Elles ont pour fonction de construire une carapace rigide autour du projet dâindividuation du soi â promoteur du moi. Ces dĂ©fenses ne permettent que peu de contacts avec lâautre, si ce nâest sur un mode stĂ©rĂ©otypĂ©, rĂ©pĂ©titif, ou agressif. La maturation affective du sujet est comme arrĂȘtĂ©e. La psychĂ© de lâenfant est possĂ©dĂ©e par lâombre de sa mĂšre il se comporte comme elle, lui renvoie en miroir sa propre ombre, sous forme dâĂ©chec, de violence, dâincomprĂ©hension et elle sent quâelle risque de rejeter son fils de plus en plus fortement. 54Du point de vue de la mĂšre, on pourrait dire que pour des raisons que nous ignorons, la relation Ă son enfant nâa pas pu se mettre en route selon ce processus trĂšs particulier de lâattachement. Il implique une forte dimension instinctuelle, câest-Ă -dire une rĂ©grĂ©dience des limites et du contrĂŽle du moi la folie Ă deux, afin dâassurer lâactivation des schĂšmes de comportement universels liĂ©s Ă la fonction maternelle qui permet au moi et Ă lâinconscient dâĂȘtre possĂ©dĂ©s par lâarchĂ©type, dans sa dimension constructive. LâarchĂ©type du maternel, quand il sâactive naturellement met la mĂšre dans la situation de jouer le jeu, en quelque sorte. Ici, une persona de mĂšre fait dĂ©faut, persona au sens positif dâintermĂ©diaire entre sa psychĂ© et la vie physico-psychique de son enfant, et ce dâautant plus lourdement que le mĂ©tier de cette femme en relation avec la petite enfance lui avait toujours fait penser quâelle saurait ĂȘtre une bonne mĂšre pour ses enfants Ă venir et quâelle sâĂ©tait vue confortĂ©e dans cette image par lâinvestissement unanime des deux familles. 55Mais ce quâelle a donnĂ© Ă sentir et Ă connaĂźtre Ă son enfant a Ă©tĂ© un mode de communication et de relation basĂ© sur la dĂ©tresse, la culpabilitĂ©, lâinsatisfaction et sans doute une rage secrĂšte contre celui qui lâempĂȘchait dâĂȘtre une mĂšre selon ses attentes idĂ©ales. Face Ă ce complexe maternel destructeur, la vie prĂ©coce du bĂ©bĂ© RaphaĂ«l va rencontrer une mĂšre sans persona, incapable dâoffrir une scĂšne Ă son bĂ©bĂ© sur laquelle dĂ©ployer les affects mutuels et narcissisant dont ils ont tous les deux besoins. 56Lâenfant est violemment exposĂ© aux contenus dâombre qui habitent la psychĂ© maternelle en deçà des attentes idĂ©ales du collectif auxquelles elle est identifiĂ©e. Elle est obligĂ©e de lâĂ©loigner dâelle pour le protĂ©ger. LâidentitĂ© de lâenfant va se construire sur le socle dâune identification nĂ©gative et se nourrir dâun continuel partage dâexpĂ©riences de dĂ©plaisir, ce qui va orienter la construction de son moi et de ses dĂ©fenses. Il sâagit dâun rapport en double miroir, dans lequel il nây a pas dâespace pour que la mĂšre signifie Ă lâenfant sa position valorisante de sujet, Ă la fois comme elle et diffĂ©rent dâelle, sauf Ă lâĂ©loigner dâelle. La mutualitĂ©, dont parle Winnicott, nâexiste pas suffisamment dans leur relation; la rĂ©ciprocitĂ© sur le versant du plaisir et de la gratification nâest pas suffisante, et par consĂ©quent, elle ne pourra pas les transformer progressivement en deux individualitĂ©s â sĂ©parĂ©es et cependant en relation. 57On pourrait dire que les conditions banales de la relation primaire lorsquâelles imposent si peu de diffĂ©renciation entre la mĂšre et son bĂ©bĂ©, la construction du moi de lâenfant absorbe par identification et de maniĂšre massive, les contenus de la psychĂ© inconsciente maternelle. Dans le cas de RaphaĂ«l et de sa mĂšre, ces contenus nous semblent renvoyer de maniĂšre dominante Ă des reprĂ©sentations dâinsĂ©curitĂ© et de dĂ©tresse, qui sont renvoyĂ©es en miroir Ă la mĂšre par son enfant, sans quâelle puisse les dĂ©toxiquer », mais qui, au contraire, lâangoissent un peu plus... Il nâest pas indiffĂ©rent de constater que dĂšs quâelle a entamĂ© un travail dâanalyse pour elle-mĂȘme, câest-Ă -dire quâun tiers est entrĂ© en jeu, la mĂšre peut alors faire exister son enfant en tant que sujet et souhaiter quâil puisse Ă©laborer, comme elle, avec un tiers analyste, sa part dâenfant de leur problĂ©matique mutuelle. 58Comment comprendre maintenant la symptomatologie de lâenfant et son dessin ? Ătant donnĂ© que ces entretiens prĂ©liminaires nâont pas eu la suite prĂ©vue dâune thĂ©rapie, les rĂ©flexions qui vont suivre nâont pas dâautre statut que celui dâhypothĂšses diagnostiques. 59RaphaĂ«l mâa frappĂ©e dâemblĂ©e par sa capacitĂ© Ă prendre ses difficultĂ©s Ă son propre compte, culpabilitĂ© qui pour ses 8 ans mâa paru tout Ă fait suspecte. La bulle fusionnelle dâindiffĂ©renciation, fortement teintĂ©e de nĂ©gativitĂ©, dans laquelle il a grandi nâa sans doute pas permis Ă son jeune moi dâexpĂ©rimenter la sortie de la dimension du double rĂ©gnant naturellement dans la relation primaire, au profit dâun moi je valorisĂ© et valorisant, qui aurait dĂ» sâĂ©riger dans la diffĂ©renciation, donnant ainsi forme et contenu aux besoins du projet de croissance du soi... 60Ce nâĂ©tait pas tant la culpabilitĂ© du bouc Ă©missaire dans laquelle il se reprĂ©sentait, mais bien lâabsence dâautre qui Ă©tait troublante dans son systĂšme de reprĂ©sentation de lui-mĂȘme et de son monde. Pourtant, tous les ingrĂ©dients pour une juste projection phobique sur lâautre Ă©taient Ă sa disposition, depuis le petit frĂšre casse-pieds, en passant par les copains bagarreurs, ou les parents trop sĂ©vĂšres, etc. Pas de projection, pas de tiers, pas dâĂ©chappatoire nĂ©vrotique dans ce face Ă face psychique avec et dans lâombre de la mĂšre. On pense immanquablement au regard captateur de MĂ©duse. 61Il me paraĂźt tout Ă fait intĂ©ressant de considĂ©rer les modalitĂ©s dĂ©fensives mises en place par lâinconscient de lâenfant comme tentatives pour se protĂ©ger dans cette fusion meurtriĂšre. LâexpĂ©rience du complexe maternel nĂ©gatif invente des solutions, Ă la fois pour exprimer le conflit interne et pour le solutionner. 62DâemblĂ©e, jâai Ă©tĂ© frappĂ©e par lâĂ©quivalent symbolique entre lâaltĂ©ritĂ© manquante dans la relation entre la mĂšre et son fils et la thĂ©matique du tic. Il sâagit dâune chansonnette, une ritournelle, comme ces berceuses rĂ©pĂ©titives et rassurantes qui se chantonnent autour des berceaux, mais qui racontent souvent des histoires terribles, pour exorciser la peur. Celle-ci met en scĂšne un petit bonhomme sans nom qui habite dans la tĂȘte de RaphaĂ«l. Si lâon considĂšre lâaspect prospectif du complexe, on voit que le petit bonhomme en question pourrait bien ĂȘtre absolument nĂ©cessaire pour Ă©chapper aux dangers de lâemprise maternelle; dans la rĂ©alitĂ©, la mĂšre est horripilĂ©e. Inconsciemment, quelque chose sâimpose Ă RaphaĂ«l sur le mode du tic, et cela marque une distance, conflictuelle, certes, avec sa mĂšre. On pourrait dire que le tic fabrique de la diffĂ©renciation lĂ oĂč le fantasme maternel semble demander toujours plus de ressemblance... Mais sur le plan symbolique, le tic est bonhomme, câest-Ă -dire Ă la fois homme bon, mais Ă©galement un masculin toujours prĂ©sent, toujours disponible, dans son habillage mythologique. Quand RaphaĂ«l mâen a parlĂ©, lâimage du petit bonhomme sculptĂ© dans sa rĂšgle par le jeune Jung et cachĂ© dans le grenier sâest imposĂ©e Ă moi. 63Mais Ă©videmment, on ne peut pas Ă©luder la question du pĂšre, face Ă ce petit bonhomme. On pourrait lâentendre comme un appel au pĂšre, singuliĂšrement manquant dans le couple mĂšre-fils. Je lâai Ă©galement entendu comme une chanson magique pour ne pas dĂ©sespĂ©rer de faire venir un secours masculin paternel. Et ce complexe paternel fragile Ă©tait restĂ© disponible au moi, Ă tel point quâil pouvait ĂȘtre projetĂ© dans le transfert sur la proposition thĂ©rapeutique que je reprĂ©sentais pour RaphaĂ«l. Il voulait que je le guĂ©risse... 64Ă propos des colĂšres, comme du raclement de gorge qui ponctue la chansonnette du petit bonhomme, dans le travail avec les enfants aussi bien quâavec les adultes, on constate souvent que lâexplosion de colĂšre est la parade dĂ©fensive pour se protĂ©ger dâune expĂ©rience de dĂ©personnalisation. Les sentiments de frustration ou dâimpuissance qui dĂ©clenchent la crise viennent rencontrer la fragilitĂ© identitaire, lĂ oĂč la diffĂ©rence entre soi et lâautre est insuffisamment arrimĂ©e au sentiment de valeur. La colĂšre vient alors relancer le sentiment dâexister grĂące Ă lâexpression dans le corps et tient Ă distance les affects de dĂ©personnalisation. Mes colĂšres mâont sauvĂ©, elle me donnaient la certitude que je nâĂ©tais pas mort » se souvient un homme en analyse. 65RaphaĂ«l est en effet habitĂ© par une violence qui ne concerne pas tant une saine rivalitĂ© avec ses pairs, qui le rendrait bagarreur dans les cours de rĂ©crĂ©ation; non, câest plutĂŽt la violence du lien incestueux Ă la mĂšre qui lâanime, ce double qui le fait disparaĂźtre dans lâindiffĂ©renciĂ© et quâil tente dĂ©sespĂ©rĂ©ment de nous faire entendre. AssignĂ© Ă une place doublement symĂ©trique de sa mĂšre, le projet du sujet masculin en RaphaĂ«l Ă©tait encore inhabitĂ©, irreprĂ©sentable, vide. Son pĂšre nâĂ©tait pas prĂȘt Ă ce que son fils rencontre et se confronte Ă cet autre double, Ă la fois proche et inconnu quâest lâanalyste. Mais peut-ĂȘtre le refus du pĂšre Ă©tait-il liĂ© Ă une nouvelle comprĂ©hension de cette dimension dâidentification entre pĂšre et fils, dont sans doute, lui aussi avait manquĂ©... Notes [1] Jung Ma vie, souvenirs rĂȘves et pensĂ©es, recueillis par Aniela JaffĂ©, trad. R. Cahen, et Y. Le Lay, Paris, Gallimard, p. 71,1973. [2] Jung Psychologie et pathologie des phĂ©nomĂšnes dits occultes », in LâĂnergĂ©tique psychique, trad. Y. Le Lay, GenĂšve, Librairie de lâUniversitĂ© Georg, 1981. [3] Le contenu complexuel demeure en quelque sorte entre lâinconscient et le conscient comme en clair obscur; il est ressenti, certes par le sujet, dâune part comme appartenant Ă sa conscience ou ayant des affinitĂ©s avec elle; mais dâautre part il reste une existence autonome [...] qui en tout cas, nâobĂ©it pas nĂ©cessairement aux intentions subjectives ». Jung 1964. Dialectique du moi et de lâinconscient, trad. R. Cahen, Paris, Gallimard, p. 135. [4] Sur le sens spĂ©cifique de ce concept, voir le glossaire dans Agnel A., Jung, la passion de lâautre, Toulouse, Milan, 2004. [5] Jung Psychologie et pathologie des phĂ©nomĂšnes dits occultes », LâĂnergĂ©tique psychique, op. cit., p. 207. [6] Jung MĂ©tamorphoses et symboles de lâinconscient revu et reĂ©ditĂ© sous le titre MĂ©tamorphoses de lâĂąme et ses symboles, trad. Y. Le Lay, GenĂšve, Librairie de lâUniversitĂ© Georg, 1953. [7] Jung & Riklin F., Experimentelle Untersuchung ĂŒber Assoziationen Gesunder », Gesammelte Werke, 2, Olten & Freiburg im Breisgau, Walter Verlag. [8] Burghölzli hospital records of Sabina Spielrein, premiĂšre publication Sabina Spielrein, Jungâs patient at the Burghölzli », MINDER B. 1994, in Luzifer-Amor, Zeitschrift zur Geschichte der Psychoanalyse, Vol 7, n°14, puis Journal of analytical psychology, Vol. 46, n° 1, January 2001, p. 27. [9] Jung 1933, Die Beziehungen zwischen dem Ich und dem Unbewussten, Dialectique du moi et de lâinconscient, trad. R. Cahen, Paris, Gallimard, 1964, pp. 157-158. [10] Jung Collected Works 8, § 253, citĂ© par Pieri, Dizionario junghiano, Torino, Bollatti Boringhieri, entrĂ©e Scissione clivage, dissociation, 1998. [11] Botella C. & S., La dynamique du double », in Le double, Revue française de psychanalyse, monographie sous la direction de C. Couvreur, Paris, 1995. [12] Ibid., p. 80. [13] McGuire W., Analytical psychology. Notes on the seminar given in 1925 by Jung, Princeton, Princeton University Press, 1989, pp. 22-23. [14] Jung 1971 La dissociabilitĂ© de la psychĂ© », Les racines de la conscience, trad. Y. Le Lay, Paris, Buchet/Chastel, p. 486. [15] Ibid. [16] Agnel A., Jung, la passion de lâautre, op. cit., p. 21. [17] Humbert 1983 Jung, Paris, Ăditions universitaires, p. 54, réédition Hachette, 2004. [18] Ibid., p. 54. [19] Allain-DuprĂ© B. et Maffei G., Il doppio e lâestraneo nella costituzione dellâidentità », Psicoanalisi e Metodo, Lâincontro con lâaltro, N° 1, Pisa, Edizioni ETS, 2001. [20] Vieljeux J., La persona, Ă©tude thĂ©orique du concept », in Cahiers jungiens de psychanalyse, La persona, n° 58,1988, p. 4. [21] Abram J., Le langage de Winnicott. Dictionnaire explicatif des termes winnicottiens, trad. C. Athanassiou-Popesco, Paris, Ăditions Popesco, 2001, p. 304. [22] Vieljeux J., op. cit., p. 6. [23] Mattei B., Chronique Rebonds, Un miroir tendu Ă la RĂ©publique », in LibĂ©ration, 20 juillet 2004. [24] Ibid., [25] Agnel A., op. cit., p. 55. [26] Humbert Lâhomme aux prises avec lâinconscient. RĂ©flexions sur lâapproche jungienne, Paris, Retz, 1992, p. 27. [27] Ibid., p. 29. [28] Ibid., p. 25.
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Leçons dâorthographe âș vous ĂȘtes iciOrthographeLes liaisonsSommaire Introduction Consonnes apparaissant en liaison Marques particuliĂšres pour la liaison Liaisons de rĂšgle Liaisons recommandĂ©es IntroductionLa liaison est un procĂ©dĂ© linguistique consistant Ă prononcer la consonne finale dâun mot lorsque celui-ci est suivi dâun mot commençant par une voyelle ou un h muet. En alphabet phonĂ©tique international, ce procĂ©dĂ© est notĂ© par le symbole âŁÂ». En lisant, il faut bien faire la liaison. Celle-ci dĂ©pend souvent du niveau de langue. Elle est plus frĂ©quente dans le discours soignĂ© que dans la conversation apparaissant en liaisonâ Les consonnes prononcĂ©es en liaison sont en nombre limitĂ© et seuls les sons [z], [t] et [n] sont dâemploi frĂ©quent. Le son [z] s les hommes â [lezâŁÉm] x six hommes â [sizâŁÉm] z donnez-en â [ Le son [t] t vient-il â [ d grand homme â [ Le son [n] n un enfant â [ Les liaisons suivantes sont plus rares Le son [r] r dans le cas de premier, dernier, lĂ©ger et dans la diction poĂ©tique pour les verbes en âer. Le son [p] p seulement pour trop et beaucoup. Le son [k] g dans la langue soignĂ©e long entretien â [lÉÌk⣠; dans les expressions sang impur â [sÉÌk⣠sang et eau â [sÉÌkâŁe o]. Le son [ÉĄ] g dans lâusage ordinaire long entretien â [lÉÌɥ⣠Le son [f] f neuf enfants â [nĆf⣠Le son [v] f seulement pour neuf dans neuf ans [nĆvâŁÉÌ] et neuf heures [nĆvâŁĆr].En raison de la perte de la double articulation nasale, les voyelles nasales suivantes se dĂ©nasalisent ain, ein, en, in et on plein [plÉÌ] â plein exercice [plÉn⣠Mais la dĂ©nasalisation nâa pas lieu pour on, mon, ton, son mon ami â [mÉÌn⣠sâoppose ainsi Ă bon ami [bÉn⣠particuliĂšres pour la liaisonDans deux cas apparaissent des graphies inexistantes lorsque le terme est isolĂ© â t entre une troisiĂšme personne du singulier terminĂ© par e ou a et le sujet inversĂ© aime-t-il ? ;â s Ă la fin des impĂ©ratifs terminĂ©s par un e prĂ©cĂ©dant en ou y donnes-en.â Ă lire Lâeuphonie et les lettres de rĂšgleLa liaison est dâusage dans des groupes aux rapports syntaxiques Ă©troits â Ă lâintĂ©rieur du groupe verbal entre le pronom sujet et le verbe ils ont â [ ; viennent-ils â [ ; aprĂšs câest et il est impersonnel et lâattribut câest intĂ©ressant â [ Ă lâintĂ©rieur du groupe nominal entre le nom et les articles et adjectifs prĂ©posĂ©s les amis â [ ; aprĂšs certaines prĂ©positions comme dans, en, sans sans alliĂ© â [ Ă lâintĂ©rieur du groupe adjectival, entre lâadverbe et lâadjectif bien avisĂ© â [ Dans les locutions et mots composĂ©s de temps en temps â [ ; petit Ă petit [ recommandĂ©esLes liaisons sont souhaitables â entre lâauxiliaire et le participe passĂ© il est allĂ© â [il ;â entre le verbe et lâattribut il est amusant â [il ;â aprĂšs quand et dont quand on sait â [ sÉ] ;La liaison ne se fait pas â entre deux groupes rythmiques ;â aprĂšs la conjonction et ;â aprĂšs la consonne finale dâun nom au singulier ;â aprĂšs la finale âes de la deuxiĂšme personne du prĂ©sent de lâindicatif et du subjonctif ;â dans les mots terminĂ©s par rt, rs hors antenne â [ÉÊ⣠sauf dans le cas oĂč le s est la marque du pluriel leurs amis â [ đŽ GĂ©nĂ©ralitĂ©s Le nom Lâadjectif Le verbe Accords particuliers Questions de langue française Remarques orthographiques sur quelques homonymes Lâorthographe de quelques mots Ă retenir Rectifications orthographiques de 1990 Liste des leçons dâorthographe. Lâalphabet phonĂ©tique international La ponctuation. Lâeuphonie et les lettres euphoniques. Le h aspirĂ© et le h muet. La coupure des mots. Les registres de langue. Apprentissage de la lecture. â La lecture au fil du temps. â Lire lentement. â Lire Ă haute voix. â Les avantages de la relecture. [đœ VidĂ©o] LâabĂ©cĂ©daire illustrĂ© ou lâalphabet par les images. Histoire de lâalphabet. Analyser un mot. â Analyser une phrase. Autres rubriques Ă consulter Leçons de grammaire. â Leçons de conjugaison. â Leçons de vocabulaire. â Leçons dâorthographe. â Leçons dâexpression de livresRecherche sur le site
Voicile tableau des repÚres annuels de progression des classes grammaticales que votre enfant doit connaßtre avant et pendant son CM2 (chaque colonne indique les nouveautés par rapport à l'année précédente) : : les articles (indéfinis et définis). les conjonctions de coordination ( mais, ou, et donc, or, ni, car).
Droit dâauteur sharpner / 123RF Banque dâimages Tout le monde sait que lâorthographe française est difficile. Cet article porte sur une grande difficultĂ© orthographique les consonnes doubles. Je vous donne dix astuces pour les repĂ©rer. PrĂ©sentation Pour commencer, il est important de connaĂźtre certaines bases. Les consonnes qui ne se doublent jamais sont h, j, q, v, w et x. Celles qui se doublent rarement sont b, d, g, k et z. Celles qui se doublent souvent sont c, f, l, m, n, p, r, s et t. I Consonnes doubles entre deux voyelles Les consonnes doubles sont souvent entre deux voyelles ballon, assurance, addition, vallĂ©e, affaire, apporter, appuyer, essuyer⊠Exceptions acabit, acadĂ©mie, agate, dame, trafic. le fĂ©minin de certains noms et adjectifs Les noms et adjectifs en -as, -el, -en, -on, -os et certains en -ot doublent la consonne finale au fĂ©minin gras â grasse ; personnel â personnelle ; vĂ©gĂ©tarien â vĂ©gĂ©tarienne ; lion â lionne ; sot â sotte. III Consonnes doubles les adverbes en -ment Les adjectifs en -ant donnent des adverbes en -amment et les adjectifs en -ent donnent des adverbes en -emment courant â couramment ; Ă©vident â Ă©videmment. Exception prĂ©sent â prĂ©sentement. IV Consonnes doubles la nĂ©gation lexicale La nĂ©gation lexicale est lâexpression du contraire par lâajout de la lettre i et le doublement de la consonne initiale logique â illogique ; rĂ©el â irrĂ©el ; responsable â irresponsable. Mais la nĂ©gation lexicale nâest possible quâavec certains adjectifs logique, rĂ©el, responsable, lisible, lĂ©gal, moral⊠Attention ! Il ne faut pas confondre immoral et amoral immoral qui se comporte de maniĂšre contraire Ă la morale ; amoral qui nâa pas de morale. V Consonnes doubles le prĂ©fixe a dans certains verbes Quand on ajoute le prĂ©fixe a Ă certains verbes, on double la consonne initiale courir â accourir ; fluer â affluer ; lier â allier ; porter â apporter. Exception percevoir â apercevoir. VI Consonnes doubles les verbes en -eler et en -eter Les verbes en -eler et en -eter doublent la consonne sauf aux deux premiĂšres personnes du pluriel appeler â jâappelle, tu appelles, il/elle/on appelle, nous appelons, vous appelez, ils/elles appellent ; jeter â je jette, tu jettes, il/elle/on jette, nous jetons, vous jetez, ils/elles jettent. Exceptions acheter â jâachĂšte ; peler â je pĂšle. La nouvelle orthographe ne remplace pas lâancienne mais est une autre possibilitĂ©. Pour en savoir plus, consultez la page ci-dessous. Explication VII Consonnes doubles certains verbes au futur de lâindicatif et au prĂ©sent du conditionnel Les verbes courir, pouvoir et voir ont un r double au futur simple de lâindicatif et au prĂ©sent du conditionnel. Futur simple de lâindicatif PrĂ©sent du conditionnel tu courras vous pourrez elles verront tu courrais vous pourriez elles verraient VIII Consonnes doubles les lettres c, f et p Les consonnes c, f et p se doublent souvent devant un l ou un r quand le mot commence avec le prĂ©fixe a acclamer, acclamation, accroĂźtre, accroissement, affluer, affluence, affrĂ©ter, apprendre, apprentissage, applaudir, applaudissement⊠IX Consonnes doubles les lettres s et z Le son [s] se reprĂ©sente par la lettre s double entre deux voyelles assurance, passer, lisse, poisson, dessert⊠Attention ! Le son [s] sâĂ©crit avec un seul s dans certains mots composĂ©s entresol, parasol, tournesol⊠En ce qui concerne la lettre z, elle ne se double pas mais on peut trouver un z double dans des mots Ă©trangers jazz, jazzy, grizzli, pizza, pizzeria⊠X Consonnes doubles les mots particuliers Certains mots identiques Ă lâoral sâĂ©crivent presque de la mĂȘme maniĂšre. Sale ou salle ? Sale est le contraire de propre. Une salle est une piĂšce. Balade ou ballade ? Balade est le synonyme de promenade. Ballade signifie poĂšme. Cane ou canne ? La cane est la femelle du canard. La canne est le bĂąton avec lequel on se dĂ©place. Exercice Choisissez la bonne orthographe. Pour voir le cours sur les signes orthographiques, cliquez sur le lien ci-dessous. Article Toute reproduction est interdite sans accord Ă©crit prĂ©alable. Copyright mars 2017 Ivan Bargiarelli Tous droits rĂ©servĂ©s.